Né des cendres de Paris
Je n’en pouvais plus d’être enfermé dans ce tableau, lui-même perdu dans les méandres d’une zone de stockage obscure et froide. J’y figurais avec d’autres démons, gargouilles et farfadets, tout près de la signature du peintre, à peine visible à l’œil nu.
Puis vint le jour de la libération : des flammes partout, mais pas celles de l’enfer, non, celles de la fin de mon calvaire : deux jours de feu intense pour ressusciter, comme d’autres sur leurs croix.
Ma toile et mon cadre consumés, je suis devenu l’ombre de l’ombre d’un spectre fluorescent. Chaque nuit, je prie Saint-Quasimodo et me cache le jour au fond d’un sépulcre dont j’ai seul l’accès.
J’ai hâte de vivre la réouverture au public de ma cathédrale, pour transmettre discrètement aux touristes des répliques du bâtiment que je sculpte dans le charbon des poutres calcinées. Lors de mes balades nocturnes, je les poserai çà et là dans les recoins de l’édifice, entre les bougies sur les porte-cierges, au pied des brûloirs à veilleuses, en souvenir de ma libération.
Témoignages de bagatelle, ce sera là mon unique enfantillage pour les vivants, moi qui suis maintenant hors d’âge et hors du temps.
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